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Quel est l’impact du printemps arabe, dix ans après ?

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    Bibliothèque de l’Institut du monde arabe – notre réponse du 01/02/2021.

    Homme debout dans le crépuscule, levant le drapeau égyptien
    Drapeau Egyptien ©Jonathan Rashad, CC BY 3.0 via Wikimedia Commons

    Dix ans après les manifestations massives qui avaient embrasé la région en 2011, le bilan du “Printemps arabe” semble plutôt amer. Et pourtant, la seconde vague révolutionnaire qui a eu lieu en 2019 montre que la contestation sociale est toujours là. Le phénomène du “Printemps arabe” pourrait être le reflet de mutations profondes toujours en cours dont le véritable impact se révèlera sur une échelle de temps bien plus longue. 

    Voici quelques éléments de réponse assortis d’une petite sélection de références choisies parmi la documentation très abondante.

    Le sombre bilan démocratique des révolutions arabes 

    Si le Printemps arabe a suscité d’immenses espoirs de renouveau, conduisant, rappelons-le, à faire tomber pas moins de quatre chefs d’État en 2011 (Ben Ali en Tunisie, Moubarak en Égypte, Kadhafi en Libye et Saleh au Yémen), dix ans après, la désillusion a pris le pas. 
    À l’exception de la Tunisie qui, seule, a amorcé une réelle transition démocratique, tous les pays qui s’étaient soulevés en 2011 ont soit régressé vers un régime plus autoritaire (Égypte, Bahreïn), soit basculé dans une guerre civile meurtrière (Syrie, Libye, Yémen). 

    Un constat sans appel que résume le témoignage de la romancière syrienne Samar Yazbek : 
    Extrait : « J’ai toujours des rêves, mais plus d’illusions. C’est un fait, tous les pays du Printemps arabe, à l’exception de la Tunisie, sont sortis de ces révolutions fracassés et soumis aux intérêts de puissances occidentales qui se partagent leurs richesses. Quant à nous, les femmes, nous avons perdu les privilèges pour lesquels nous nous sommes battues pendant des années. Nous n’avons pas perdu espoir, cependant. Je me dis : Toutes les révolutions du monde sont passées par des guerres civiles. À présent il faut préparer le terrain pour construire un avenir démocratique. » 
    Cette petite braise par Samar Yazbek, Printemps arabes : la révolution confisquée, Journal Le Un, janvier 2021 (n° 328).

    1ere page de couverture du journal le 1, N° 328 06 Janvier 2021.
Numéro intitulé : "Printemps arabes : révolution confisquée"
    1ere page de couverture du journal le 1, N° 328, 06 Janvier 2021

    En Tunisie, une transition encore incertaine, voire en crise 

    En Tunisie, si les avancées sont indéniables sur le plan de la vie démocratique et intellectuelle (adoption d’une nouvelle constitution et d’un régime parlementaire, élections libres, multipartisme, liberté d’expression), les raisons économiques qui avaient poussé les Tunisiens dans la rue: précarité, pauvreté, chômage…, sont toujours là et se sont même accrues. De nouvelles manifestations ont ainsi éclaté en 2018 et se poursuivent épisodiquement, jusqu’à aujourd’hui. Présenté comme l’exemple d’une transition politique réussie, le pays, rattrapé par les ratés de ses réformes économiques, reste plongé dans la crise. 


    À écouter 

    Dans l’émission suivante sur France Culture, l’intellectuel tunisien Yadh Ben Achour, récemment élu professeur au Collège de France et Hamadi Redissi reviennent sur ce bilan mitigé et sur les avancées et blocages de la “révolution du Jasmin”. 


    À lire 

    Tunisie, l’apprentissage de la démocratie (2011-2021) par Khadija Mohsen-Finan, Nouveau Monde éditions, 2021 : un essai de synthèse sur la transition tunisienne 


    Une contre-révolution d’une rare brutalité 

    Pour comprendre comment les efforts de démocratisation ont tourné court dans les autres pays, particulièrement en Égypte, en Syrie et au Yémen, se heurtant à des régimes fortement militarisés qui tirent argument de la menace djihadiste pour réprimer violemment toute forme d’opposition intérieure, nous vous conseillons la lecture de l’ouvrage de Jean-Pierre Filiu : 
    Généraux, gangsters et jihadistes : histoire de la contre-révolution arabe
    Jean-Pierre Filiu, La Découverte, 2018 
    Disponible à la bibliothèque de l’IMA 

    Extrait 
    « L’épouvantail islamiste était agité pour mieux justifier une contre-révolution débridée et refermer au plus tôt la parenthèse démocratique. Le monde semblait prêt à sacrifier les droits des peuples arabes sur l’autel de la stabilité de la région à tous égards stratégique. » 

    Brève présentation vidéo par l’auteur.

    Un autre ouvrage fait le point sur la situation des régimes autoritaires en Afrique du Nord : 
    L’Afrique du Nord après les révoltes arabes
    Luis Martinez, Presses de Sciences Po, 2018.
    Disponible à la bibliothèque de l’IMA 


    Chaos, guerres et nouveaux équilibres géopolitiques 

    Prolongement le plus tragique des printemps arabes, la Syrie, la Libye et le Yémen ont sombré dans des guerres civiles où l’intervention de puissances étrangères, sur fond de poussée djihadiste et de désengagement américain, a bouleversé les équilibres géopolitiques de la région. 


    Un article consacré à la dimension internationale du Printemps arabe qui récapitule de manière synthétique les différents acteurs régionaux engagés dans les guerres en Libye, en Syrie et au Yémen, ainsi que les coûts humains et matériels considérables : 

    Le Printemps arabe, un événement global par Bahgat Korany, article paru dans le dernier volume d’Araborama, Il était une fois… les révolutions arabes, Seuil/Institut du monde arabe, 2021, p. 15-28 
    L’auteur interprète notamment ces guerres issues du Printemps arabe comme le prototype de “guerres nouvelles”, ce nouveau type de conflits internationalisés, chaotiques et sans fin, qui se traduisent souvent par un effondrement total de l’État sur le plan intérieur et d’importants flux de réfugiés à l’international. 
    Disponible à la bibliothèque de l’IMA 

    Géopolitique comparée des révolutions et des contre-révolutions arabes
    par Pierre Blanc, dans Confluences Méditerranée, 2020/4 (n° 115), p. 9-23 


    Un printemps toujours en cours ? 

    La relance protestataire de 2019 

    Malgré les désillusions, la seconde vague de mobilisation qui a eu lieu en 2019, balayant quatre nouveaux pays, l’Algérie, le Soudan, le Liban et l’Irak, a montré que l’aspiration populaire à des changements radicaux est toujours bien présente. Non sans que certaines leçons n’aient été tirées de la décennie passée, par les régimes et les oppositions. 

    À lire en ligne 

    De l’Algérie au Soudan, les répliques du « printemps arabe » : limites du “dégagisme”, mutations de l’autoritarisme
    par Hicham Alaoui, Le Monde diplomatique, mars 2020.
    Extrait : « L’agitation actuelle en Algérie, en Égypte, en Irak, en Jordanie, au Liban et au Soudan apparaît comme l’amplification logique du « printemps arabe ». Elle prouve une nouvelle fois que les sociétés concernées, toujours confrontées à l’injustice économique et politique, refusent de capituler. Bien sûr, leurs adversaires — les régimes autoritaires — demeurent également déterminés à garder le pouvoir ; ils tentent de s’adapter à la contestation pour survivre. » 


    Mesurer l’impact sur le temps long 

    Un certain nombre de chercheurs mettent l’accent sur la nécessité d’inscrire les révolutions arabes dans le temps long, soulignant le fait que les mutations structurelles d’une société se mesurent sur une échelle supérieure à dix ans et qu’il faut parfois plusieurs décennies avant de voir une révolution produire ses effets. 

    À lire en ligne 

    Un processus révolutionnaire au long cours : le Soudan et l’Algérie reprennent-ils le flambeau du « printemps arabe » ? par Gilbert Achcar, Le Monde diplomatique, juin 2019 [consulté le 31/01/2021] 
    Extrait Ce qui se trouve pleinement confirmé, en revanche, c’est le fait que l’explosion de 2011 n’était que la première phase d’un processus révolutionnaire de longue durée. Dans cette optique, l’appellation « printemps arabe » pouvait être retenue à condition de l’entendre non comme une phase de transition démocratique de courte durée et relativement paisible, comme beaucoup l’espéraient en 2011, mais comme le premier moment d’un enchaînement de « saisons » destiné à durer plusieurs années, voire plusieurs décennies.


    À lire en version papier 

    Pour une vision globale des grandes mutations politiques et sociales en cours dans les pays arabes depuis le printemps arabe : 
    Introduction aux mondes arabes en (r)évolution
    Assia Boutaleb, Marie Vannetzel, Amin Allal, De Boeck supérieur, 2018.
    Disponible à la bibliothèque de l’IMA 

    L’esprit de la révolte : archives et actualité des révolutions arabes Leyla Dakhli, Seuil, 2020 : une analyse historique des révolutions arabes qui retrace leur généalogie bien avant 2011. 
    Disponible à la bibliothèque de l’IMA 


    Féminismes arabes et mouvements LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres) 

    Depuis le printemps arabe et la participation massive des femmes aux manifestations de 2011, les mouvements féministes arabes ont aussi gagné en intensité. Autre signal d’une société qui bouge en profondeur, des associations de lutte pour les droits des minorités sexuelles (Kifkif et Aswat au Maroc, Helm au Liban, Chams en Tunisie) sortent peu à peu de l’ombre malgré la répression et une législation qui condamne l’homosexualité. 

    À lire en version papier 

    Deux contributions du dernier volume de la collection Araborama, déjà citée plus haut : 
    Oser rêver : portraits de féministes égyptiennes
    Salma El-Naqqash et Tarek Moustafa Abdel-Salem, p. 231-238 

    Le noir est la couleur de l’espoir (la révolution des LGBTQ+ arabes est toujours en cours)
    Abdellah Taïa, p. 161-165 
    Disponible à la bibliothèque de l’IMA 


    La mémoire artistique du printemps arabe 

    C’est là un autre effet du printemps arabe, l’apparition de nouveaux types de dissidence par l’humour et la création artistique. Des œuvres, parfois éphémères et qui circulent souvent sur les réseaux sociaux. 

    En ligne

    Voici deux sites qui tentent d’archiver cet héritage artistique et culturel né des révolutions syrienne et égyptienne : 
    Mémoire créative de la révolution syrienne 

    Politics, Popular Culture and the 2011 Egyptian Revolution 


    À lire en version papier 

    Street art in the Middle East
    par Sabrina DeTurk, I. B. Tauris, 2019 
    Disponible à la bibliothèque de l’IMA 


    Pour aller plus loin… 

    À l’occasion du 10ème anniversaire du Printemps arabe, nombre de publications périodiques ont consacré un numéro thématique spécial sur le sujet dont voici une petite sélection : 

    Il était une fois… les révolutions arabes, Seuil/Institut du monde arabe, janvier 2021 
    Disponible à la bibliothèque de l’IMA 

    Les « Printemps arabes », dix ans aprèsCahier du Monde, n° 23647, 17 et 18/01/2021  
    Lien vers la version en ligne 

    Printemps arabes : la révolution confisquée, Journal Le Un, n° 328, 06/01/2021 

    Révolutions et contre-révolutions dans le monde arabe, Confluences Méditerranée, n° 115, 2020 


    À écouter 

    Sur le site de France Culture, ce cycle d’émissions sur le Printemps arabe, dix ans après…qui offre un bon tableau d’ensemble des différentes trajectoires politiques : 

    Épisode 1 : Tunisie : sur le chemin de la démocratie 

    Épisode 2 : De l’ Égypte au Soudan : l’armée aux manettes 

    Épisode 3 : De la Syrie à la Libye : guerres civiles sous influence étrangère 

    Épisode 4 : Irak : Dépasser les confessionnalismes 


    EurêkoiBibliothèque de l’Institut du monde arabe


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