
Tête de statue égyptienne par Jörg Petersen-Pixabay. CCO.
Bibliothèque de l’Institut du monde arabe, notre réponse du 24/05/2019
Effectivement, quand on regarde les catalogues des statues égyptiennes ou quand on visite les expositions consacrées à l’Egypte ancienne, on s’aperçoit qu’une grande partie des statues sont défigurées.
Il y a deux raisons principales à cela :
Tout d’abord, il s’agit de la partie la plus saillante du visage et très souvent de la statue en général. Il suffit que la statue tombe ou reçoit un coup maladroit pour que le nez se casse. Cela peut arriver à d’autres parties saillantes (la barbe, l’uraeus (le cobra sur le front des pharaons symbolisant leur pouvoir, les bras, etc.).
Les égyptologues parlent également de la défiguration intentionnée : à toutes les époques de l’histoire de l’Egypte ancienne, les statues pouvaient subir des attaques derrière lesquelles il y avait l’intention de rendre la statue méconnaissable (mutiler, effacer le nom de la personne), détruire son éventuelle action magique. Comme l’explique l’égyptologue Dimitri Laboury, «
chez les Egyptiens de l’Antiquité, cette équation [entre l’âme et le corps] est beaucoup plus complexe. Le corps est comme un vêtement où habite le bâ. Le bâ est un des éléments constitutifs de l’être humain, capable de passer du monde des vivants à l’au-delà. Au moment du trépas, le bâ, sous la forme d’un oiseau, vient s’incarner dans la statue qui a été façonnée à son image. … Le nez est l’organe qui prend le souffle de vie – casser le nez, c’est priver la source de vie » (voir l’article
« Pourquoi les statues égyptiennes ont-elles si souvent le nez cassé? »de Malika Bauwens publié sur le site
www.beauxarts.com le 16 avril 2019).
L’argument des nez cassés des statues égyptiennes a été employé par les partisans de la vision afrocentriste de l’histoire. Ces derniers affirment que le royaume d’Egypte était noir et prétendent que les égyptologues auraient brisé les nez des statues pour cacher l’origine africaine des anciens Egyptiens, une théorie réfutée par une grande partie des égyptologues. Voir, par exemple, l’entretien avec l’égyptologue Bénédicte Lhoyer :
Vous pouvez également consulter :
Les statues égyptiennes du Nouvel Empire : statues royales et divines. Tome premier
Christophe Barbotin. – Paris : Editions du musée du Louvre ; Editions Khéops, 2007, Vol. 1, Introduction (Lien vers la notice de l’ouvrage
dans le catalogue Sudoc (cliquer sur où trouver le document? pour localiser l’ouvrage dans une bibliothèque universitaire; dans
le catalogue de la BnF).
Pour aller plus loin :
Ce phénomène des statues au nez cassé n’est pas spécifique aux statues égyptiennes. On retrouve également ces mutilations non intentionnelles (chute, coup lors des extractions, …) et intentionnelles sur les statues antiques grecques et romaines.
Consultation libre sur la base en SHS Persee.
Cet article avance également l’argument de la mutilation intentionnelle par superstition. On mutile la statue, son nez en l’occurrence afin d’écarter le mauvais œil.
“
L’histoire romaine à Rome” in Revue des deux mondes : recueil de la politique, de l’administration et des mœurs. 1857/11 (PERIODE2,T12)-1857/12. Consultation libre sur
Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF.
Enfin Auguste Rodin a représenté des statues inachevées comme mutilées. Il suit en cela Michel-Ange.
Il participe à l’invention d’un style en développant de nouvelles techniques de sculpture comme [..] la fragmentation et l’inachevé comme œuvre définitive (nez cassé, torse sans bras…) qui sont en totale contradiction avec l’académisme d’alors. Sources : Musée Despiau Wlérick,
dossier pédagogique sculptures d’eau. Voir
l’Homme au nez cassé de Auguste Rodin.
Eurêkoi – Bibliothèque de l’Institut du monde arabe