Société : Quelles évolutions du métier d’ingénieur ?
Bibliothèque publique d’information – notre réponse du 17/03/2021.
Le métier d’ingénieur est aujourd’hui en pleine évolution, au point qu’il serait préférable de parler des métiers de l’ingénieur, au pluriel. De nouvelles filières se créent pour de nouveaux débouchés.
-Quels sont les nouveaux profils et quels en sont les enjeux sociétaux ?
-Comment la/les formations d’ingénieur sont-elles repensées ?
Devenir ingénieur, aujourd’hui : multiplicité des parcours
Une formation plus humaine
Catherine Roby, chercheuse associée au CREAD (Centre de Recherche sur l’Éducation, les Apprentissages et la Didactique) estime dans Humanités et SHS dans les écoles d’ingénieurs en France : une approche sociohistorique de la revue Tréma, n°47, 2017, que l’enseignement des sciences humaines et sociales dans les écoles d’ingénieurs reste globalement faiblement développé aujourd’hui encore. Elle l’explique par les difficultés des étudiants à appréhender les apports des sciences humaines, plus habitués aux modèles théoriques développés par les sciences de la nature.
Malgré ce constat, la situation évolue.
Laure Flandrin et Jacqueline Vacherand-Revel expliquent dans Quand les techniques pour l’ingénieur riment avec sciences sociales, publié dans le hors-série du Journal des grandes écoles et universités de mai 2014, que l’Ecole centrale de Lyon inclut, depuis le début des années 2000, des enseignements en psychologie, philosophie ou sociologie.
Il s’agit, ainsi, de donner aux futurs ingénieurs les clés pour forger leur esprit critique et appréhender différemment les enjeux du monde contemporain.
Science vs humanités : changer de modèle et de perception par Alexandre Moatti, Annales des Mines – Réalités industrielles, Mai 2016.
Résumé :
La place centrale de la sélection par la science, épine dorsale de notre enseignement depuis Jules Ferry, est un schéma à reconsidérer, notamment dans le milieu des élites issues des grandes écoles qu’il a formées : à l’heure où près de 80 % d’une classe d’âge obtient le baccalauréat, le sujet n’est plus celui de la sélection – en particulier par la science –, qui laisse beaucoup trop d’élèves au bord de la route.
Le sujet, aujourd’hui bien connu, est la constitution d’un socle de connaissances communes. Les humanités (notamment l’histoire et la culture générale), qui souffrent d’une grave carence dans le secondaire et le supérieur, doivent constituer une part essentielle de ce socle (…).
Une formation transversale et transdisciplinaire
Si le métier d’ingénieur ouvre à une multiplicité d’emplois extrêmement différents (dans les industries métallurgique, mécanique, aéronautique, mais aussi dans les domaines informatique ou énergétique), il impose de ce fait aux écoles d’ingénieurs de penser des formations en adaptation constante à ces besoins changeants des entreprises.
Les écoles d’ingénieurs s’adaptent aux évolutions de l’industrie par Alexandra Vépierre, dans Entreprises et marchés, le 11/04/2019.
Mise à disposition en accès restreint sur le site Techniques de l’Ingénieur.
Synthèse : Les écoles d’ingénieurs sont en contact constant avec les entreprises pour connaître l’évolution de chaque secteur industriel, les nouvelles compétences à acquérir, et pour que les étudiants gagnent en expérience à travers des stages de mise en pratique. Actuellement, le numérique est au cœur des mutations dans les industries (intelligence artificielle, réalité augmentée, robotique, etc.). Elles sont également rendues plus attractives grâce à des initiatives telles que l’Usine Extraordinaire au Grand Palais.
Certaines filières, comme celle de la chimie végétale, requièrent des compétences non seulement pointues, mais également transversales, ce qui fait des ingénieurs en ce domaine des profils encore rares.
Fablab en école d’ingénieurs: quelle formation pour quelle transformation du métier d’ingénieur ? par Marie Goyon. Technologie et innovation, ISTE OpenScience, 2018.
Résumé :
Cet article propose de réfléchir à l’apport de l’esprit « fablab» dans la transformation du métier d’ingénieur et en particulier de celui du métier d’ingénieur généraliste. Ouvrant à des dynamiques de co-construction et de communication entre acteurs hétérogènes (scientifiques, ingénieurs, citoyens, travailleurs), associant « bricolage » et «rétro-ingénierie », ces environnements semblent pouvoir renouveler les démarches de conception, voire même la culture et le métier d’ingénieur. (…)
Une formation continue indispensable
Autre tendance forte : le développement des offres de formation professionnelle par les écoles d’ingénieur, auquel était consacré le dossier du magazine Inffo Formation, dans son numéro 985 (avril 2020).
Outre la place croissante de l’apprentissage chez les ingénieurs dans les années à venir, les offres de formation continue par les écoles d’ingénieurs sont en pleine expansion. Visant à répondre aux besoins des professionnels dans des domaines techniques spécifiques (par exemple, en logistique, data ingénierie ou en gestion de la complexité), c’est une opportunité pour les “salariés apprenants qui n’ont pas le cursus académique d’ingénieur, mais une réelle expérience professionnelle, de valider leur savoir-faire et leur parcours et d’obtenir le statut d’ingénieur” et pour les écoles d’explorer d’autres méthodes pédagogiques.
Via le site de l’École des Mines, rubrique consacrée à la formation continue :
Des formations pour les professionnels
Extrait :
Mais la frontière entre formation continue et formation initiale devient de plus en plus floue : les deux peuvent conduire à des diplômes, la formation initiale passe maintenant systématiquement par des stages en entreprise, etc.
D’ailleurs, les universités et les Grandes Écoles n’ont plus l’apanage de la formation : des entreprises privées ont pour objet social la formation professionnelle, et l’exercice de la vie professionnelle constitue en lui-même une formation. Ces acquis professionnels doivent pouvoir être évalués pour offrir à l’apprenant un cursus qui lui est adapté, et susceptible de répondre à ses attentes.
Pour s’adapter au mieux aux besoins des entreprises et des individus, la Conférence des Grandes Écoles a créé le « BADGE« qui permet la reconnaissance de formations courtes et leur intégration dans un cycle diplômant. (…)
Une nouvelle vision du métier
Une responsabilité sociale élargie et un rôle grandissant dans la société
Évolution du rôle social à la responsabilité sociétale des ingénieurs » par Catherine Roby, janvier 2017.
Présentation :
L’auteur y développe l’évolution de ce rôle, pensé dès le milieu du XIXème siècle dans les sociétés savantes comme servant à assurer “la paix sociale”, implique également une connaissance de la législation sociale et une capacité d’encadrer et de motiver les ouvriers pour les faire collaborer aux objectifs de l’entreprise.
Cet article de sociohistoire, seulement en présentation dans le réservoir d’archives ouvertes HAL, peut être demandé à son auteur depuis la plateforme académique Researchgate.
L’évolution du rôle de l’ingénieur par Emmanuelle Verger, Réalités industrielles, février 2011.
Présentation :
Dans cet article, exposant une perspective historique des évolutions du rôle de l’ingénieur, l’auteur insiste sur le tournant des années 1980 qui « créent un contexte différent pour les ingénieurs en entreprise ». Tandis qu’après la Seconde Guerre mondiale, « ceux-ci avaient joué un rôle clé dans l’approvisionnement du pays en matières premières et la reconstruction d’infrastructures, « le développement de la sphère financière entraînera des centaines d’ingénieurs vers les salles de marché plutôt que vers la production. La mondialisation, quant à elle, n’est pas seulement un changement d’échelle (le monde, plutôt que la France ou même l’Europe). C’est, à travers la libéralisation et l’ouverture des économies, un changement de paradigme.
Un engagement éthique et politique plus fort
Exercer le métier d’ingénieur exige dans certains cas un souci éthique, au service d’un positionnement politique face aux impacts sociétaux des applications technologiques, rappelant la célèbre formule de Montaigne, « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Certains domaines, tel celui des nanotechnologies, ont en effet des enjeux potentiellement déterminants sur la vie en société.
Par ailleurs, Nanosmile.org, du réseau iNTeg-Risk (Early Recognition, Monitoring and integrated Management of Emerging, New Technology related Risks, comprenant des grandes entreprises industrielles et des organisations de recherche), propose des ressources sur la métrologie, la santé et l’environnement, pour « appréhender les risques et bénéfices potentiels des nanomatériaux afin d’alimenter le dialogue entre la Science et la Société », ainsi que « pour assister les chercheurs et industriels à la formation et à la maîtrise des risques en situation d’incertitude ».
On trouve par exemple différentes informations sur les risques et les bonnes pratiques de gestion des risques, ou sur le devenir des particules nano dans l’environnement.
De même, la cellule veille et prospective de l’INRIA (Institut national de recherche en sciences et en technologies du numérique) a publié des livres blancs sur les véhicules autonomes et connectés ou encore sur les défis posés par l’intelligence artificielle.
Intelligence artificielle. Les défis actuels et l’action d’Inria. Livre blanc, Inria, 2016
Présentation : « Cette unité, par l’attention qu’elle porte aux évolutions scientifiques et technologiques, doit jouer un rôle majeur dans la détermination des orientations stratégiques et scientifiques d’Inria. Elle doit également permettre à l’Institut d’anticiper l’impact des sciences du numérique dans tous les domaines sociaux et économiques.
Le présent document expose ses points de vue sur les grandes tendances et les principaux défis de l’intelligence artificielle... (…) »
Un entretien de Michel Jonquières, co-fondateur de l’Académie de l’éthique, avec Charlotte Palma, est disponible sur le site Techniques de l’ingénieur :
Sensibiliser les ingénieurs, pour qu’ils obéissent à une certaine éthique par Charlotte Palma, Entreprises et Marchés, 22/09/2014
Extrait : « En général, les ingénieurs se sentent peu concernés, et les entreprises ne voient pas le danger, et y vont donc à reculons. Pourtant, les risques sont bien réels, et peuvent prendre de multiples formes : risques d’image et de réputation, financier, pénal… et ce dans tous les secteurs, quelle que soit la taille de l’entreprise.»
L’Académie de l’éthique, un projet pour l’avenir par Martine Brasseur, Hervé Laine, Michel Jonquières, RIMHE : Revue Interdisciplinaire Management, Homme & Entreprise, 2016.
Extrait : « (…) cette association s’est donné pour but de provoquer rencontres et échanges entre cultures et disciplines autour des grands questionnements de l’éthique : droits de l’Homme, environnement et développement durable, questions autour de l’argent, valeurs culturelles, communication et information. Son ambition est de contribuer à la production de savoirs, de référentiels et d’avis à l’usage des hommes et de leurs organisations. Face à la perte de repères et aux inquiétudes éthiques, elle souhaite représenter une boussole pour guider les décisions et les comportements. (…) »
Eurêkoi – Bibliothèque publique d’information
www.bpi.fr