Quels arguments peuvent-ils justifier de ne pas manger de poissons ?

Bibliothèque publique d’information – notre réponse actualisée le 23/09/2024.

Sardines mortes sur fond gris
CC0 Domaine public, via Pxhere

La question de consommer ou non du poisson suscite de plus en plus d’interrogations. Longtemps vanté pour ses bienfaits nutritionnels, notamment pour sa richesse en oméga-3, en vitamines et en minéraux, le poisson est recommandé pour une alimentation équilibrée. Selon l’OMS, manger du poisson, surtout des espèces grasses comme le saumon ou le maquereau, contribue à réduire les risques de maladies cardiovasculaires. D’un point de vue santé, il semble donc bénéfique d’inclure du poisson dans notre alimentation.
Cependant, ces dernières années, plusieurs raisons amènent certains à reconsidérer cette habitude alimentaire. Découvrez-les avec les bibliothécaires Eurêkoi, avec à l’appui une sélection de ressources documentaires.

La surpêche, qui menace de nombreuses espèces marines, rendent la consommation de poisson de plus en plus controversée

En 1870, Jules Verne dénonçait dans Vingt mille lieues sous les mers « l’acharnement barbare et inconsidéré des pêcheurs qui fera disparaître un jour la dernière baleine de l’océan »… 150 ans plus tard, les menaces sur les écosystèmes marins et la raréfaction des stocks de poissons sont désormais connues… mais sont-elles suffisamment combattues ? Et quelles sont les conséquences de ces phénomènes pour les pêcheurs eux-mêmes et pour un secteur fragilisé ?

Série « L’éco prend le large », Épisode 3/4 : L’Europe garde la pêche, podcast Entendez-vous l’Éco ? Radio France, le 26/09/2018.

L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (Food and Agriculture Organisation = FAO en anglais ) est une agence spécialisée des Nations unies qui a pour mission de lutter contre la faim et de promouvoir la sécurité alimentaire à travers le monde. Créée en 1945, elle se concentre sur plusieurs domaines liés à l’alimentation, tels que l’agriculture, la pêche, la sylviculture et la gestion durable des ressources naturelles.
La FAO joue un rôle important en surveillant les stocks de poissons, en promouvant des pratiques de pêche durable et en fournissant des données sur l’état des ressources halieutiques mondiales.
Selon la FAO, environ 34 % des stocks mondiaux de poissons sont surexploités. Les effets de cette surexploitation ne sont pas seulement écologiques, mais aussi socio-économiques, affectant les communautés côtières dépendantes de la pêche. À cela s’ajoute la question des élevages intensifs, qui, dans certains cas, génèrent des pollutions locales et des questions de bien-être animal.
Source : The State of World Fisheries and Aquaculture 2024, par la FAO en collaboration avec les Membres, les partenaires et les principales parties prenantes, fao.org, 2024.

La Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) est une plateforme entre les différents acteurs scientifiques et les acteurs de la société sur la biodiversité.

Les résultats ont révélé que les différentes profondeurs de l’océan, qui correspondent à des écosystèmes uniques, bénéficient d’efforts de conservation très disparates. (…) D’autre part, les résultats démontrent que les efforts de conservation sont disproportionnellement dirigés vers les aires où le moins d’activité de pêche ont lieu, un phénomène d’évitement dénommée ” conservation résiduelle “. Autrement dit, les aires les plus impactées par les pressions humaines demeurent le plus souvent sans protection. De plus, les aires marines de protection forte, où les régulations d’extraction sont strictes, et qui fournissent les bénéfices écologiques les plus importants, sont sous-représentées dans toutes les écorégions et à toutes les profondeurs, avec seulement 1,4 % de couverture à l’échelle mondiale.

La pêche atteint les profondeurs mais la conservation marine reste superficielle d’après l’article : 3D ocean conservation: Fisheries reach deep but marine protection remains shallow by Jacquemont, J., Loiseau, C., Tornabene, L., Claudet, C, Nature Communications, 2024.

Ce graphique montre l'évolution de l'état des stocks de poissons marins dans le monde de 1990 à 2019.
https://fr.statista.com/infographie/15054/evolution-etat-des-stocks-de-poissons-marins-dans-le-monde/

D’après la plus récente édition du rapport « State of World Fisheries and Aquaculture » de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), la fraction des stocks de poissons qui se situent à des niveaux d’exploitation durable est en baisse constante, passant de 81 % en 1990 à 64 % en 2019. Si la part des stocks de poissons exploités au rendement maximal durable s’est maintenue de façon plutôt constante depuis 1990 (entre 45 et 60 % environ), la part des stocks sous-exploités n’a cessé de diminuer : elle représentait 31 % des stocks de poissons en 1990, et seulement 7 % en 2019. En parallèle, les stocks mondiaux de poissons marins en surexploitation représentent une part en constante augmentation : ils avaient atteint plus d’un tiers des stocks totaux (35 %) en 2019.

Manger du poisson : des bénéfices et…des risques pour la santé ?

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

Le poisson possède des qualités nutritionnelles précieuses qui en font un invité de choix des menus de toute la famille. Mais, les poissons peuvent aussi être contaminés par des polluants de l’environnement (dioxines, PCB ou méthyl-mercure), qui peuvent avoir des effets…
Voici la liste des poissons que l’Anses recommande d’éviter ou de consommer de façon limitée. Il s’agit essentiellement de produits dits « bio-accumulateurs », c’est-à-dire susceptibles de contenir des substances chimiques ou des micro-organismes.
À limiter :
Poissons d’eau douce fortement bio-accumulateurs : anguille, barbeau, brème, carpe, silure
Poissons prédateurs sauvages : lotte (baudroie), loup (bar), bonite, anguille, empereur, grenadier, flétan, brochet, dorade, raie, sabre, thon…
À éviter :
Espadon, marlin, siki, requin et lamproie

L’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail) elle-même alerte sur les dangers de la consommation de poisson aujourd’hui :

L’étude des Consommations ALimentaires de produits de la mer et Imprégnation des forts consommateurs aux éléments traces, aux PolluantS et Oméga 3 (CALIPSO) a été réalisée à l’initiative de la Direction générale de l’alimentation du Ministère de l’agriculture et de la pêche, de l’Institut national de la recherche agronomique et de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments. (…) Du point de vue de la problématique « bénéfice », l’étude montre que la seule consommation de
poissons au moins deux fois par semaine, dont un gras, permet d’atteindre les apports recommandés en oméga 3 AGPI-LC. Au regard de la problématique « risque », l’étude montre que si des dépassements des valeurs toxicologiques de référence sont observés chez les plus forts consommateurs, ceux-ci sont
modérés et difficiles à interpréter en raison des incertitudes inhérentes à toute étude d’exposition
indirecte et de l’existence de facteurs de sécurité. Cependant ces résultats démontrent malgré tout la nécessité de poursuivre les efforts pour réduire les expositions et donc les pollutions en amont, notamment pour les dioxines et les PCB-DL et non DL.
Enfin, au regard de la problématique globale risque sanitaire / bénéfice nutritionnel, ces résultats confirment le bien-fondé des préconisations formulées par diverses instances scientifiques nationales : pour la population générale consommer du poisson à un niveau minimum de deux fois par semaine sans oublier les poissons gras, et pour les femmes enceintes ou allaitantes, limiter la consommation de poissons prédateurs à une seule fois par semaine.
Au-delà de ces préconisations générales, cette étude met en évidence l’intérêt de diversifier les espèces consommées de poissons et produits de la mer aussi bien en terme de proportions que par l’origine des approvisionnements, afin de s’assurer d’un équilibre raisonné entre les composantes bénéfice et risque, compatible avec les recommandations nutritionnelles et toxicologiques.

CALIPSO – Etude des Consommations Alimentaires de produits de la mer et Imprégnation aux éléments traces, Polluants et Oméga 3, coordonnée par Jean-Charles Leblanc, Août 2006.


Pour aller plus loin…

Pêche : Enquête sur les mafieux des mers, Journal Le Un, l’hebdo, le 18/09/2024.
La haute mer est une immense zone de non-droit. Hors de tout contrôle, de gigantesques navires-usines vident l’océan de ses poisons, dévastent les écosystèmes et maltraitent leurs travailleurs.


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