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Dans la tradition arabo-musulmane, pourquoi les djinns sont-ils souvent bleus ?

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    dessin d'un djinn féminin bleu

    CC-BY Riff, via Sketchport

    Notre réponse du 06/03/2018

    Voici les quelques éléments que nous avons pu trouver à propos de la couleur des djinns.

    Dans l’iconographie occidentale les djinns sont effectivement souvent représentés de couleur bleue : le djinn qui sort de la lampe d’Aladin, le « dieu bleu qui danse » dessiné par Léon Bakst :
    voir notamment le catalogue d’exposition publié par l’Institut du monde arabe sur les Mille et Une Nuits.
    Dans sa série romanesque Les Enfants de la lampe magique (titre original : Children of the Lamp) Philip Kerr intitule le tome 2 « Le djinn bleu de Babylone ».

    Symbolisme

    Le symbolisme de la couleur est important dans l’islam.
    Les chrétiens se voient assignés le bleu turquoise, allusion à la couleur des yeux.
    Selon le Coran, le bleu est un signe négatif. (les coupables sont bleus de peur.) Les yeux bleus, bleus gris, ont une connotation négative.
    Proche du noir, le bleu matérialise le manque d’oxygène et l’asphyxie. Certains textes évoquent l’état bleuissant des visages des condamnés à l’Enfer au jugement dernier. Cela nous rappelle une expression française très significative : « avoir une peur bleue ».

    D’après le sociologue tunisien Abdelwahab Bouhdiba :

    « Des sept couleurs de l’arc-en-ciel trois n’ont même pas de nom spécifique en arabe : le violet, l’indigo et l’orange. Ce sont des couleurs indéfinies, vagues, innommables ». Le rouge et le vert se détachent par contre comme couleurs pleines positives et tranchent avec la méfiance quasi répulsive que la culture arabe éprouve pour le jaune et surtout pour le bleu. Avec le blanc et le noir la culture arabe connaît donc six couleurs maîtresses. Les seules d’ailleurs auxquelles elle a tenu à donner une forme morphologique typique et spécifique en AF’AL et que les grammairiens arabes appellent « nom de couleur » : Ah ‘mar, rouge; Akhdhar, vert ; Azraq, bleu ; Açfar, jaune ; Abiadh, blanc et Aswad ou encore Ak’hal, noir. »
    (…)
    « La culture arabe « découvre » le bleu. C’est pour le charger tout aussitôt de significations lourdes, étranges, inquiétantes, effrayantes, angoissantes. Le bleu c’est le glacial et c’est le néant. Rien d’aussi sinistre en arabe que les dérivés de la racine trilitère z r q. Ils évoquent la déchéance, la pollution, la haine, la perte irrémédiable. Zaraqa, c’est bleuir et c’est déféquer. Zariqua c’est virer bleu, c’est aussi être aveuglé et perdre la vue. Un ennemi implacable, méchant qui a juré votre perte, est un ennemi bleu. Une mort violente avec son cortège de souffrances, de contorsions, d’affres et d’agonies c’est encore une mort bleue (3). Le bleu est d’ailleurs une couleur diabolique : elle est celle des yeux de Satan mais aussi des redoutables Zabaniyas, ces intraitables tortionnaires de l’Enfer chargés d’y infliger les pires tourments aux impies, aux méchants et aux mécréants. D’ailleurs criminels et réprouvés seront eux mêmes bleus au jour du Jugement Dernier : ils auront tellement soif (4). Rien d’étonnant dès lors que la culture arabe ait cherché à esquiver au maximum le bleu. Au niveau du langage d’abord. Prononcer le mot bleu c’est présentifier le malheur. On ne dira donc pas bleu (azraq) mais ciel (smâoui). Mais on évitera de regarder les choses bleues car en voir est un fort mauvais présage. Naboulsi dans son magistral Traité sur « l’interprétation des rêves » met en garde contre les vertus néfastes du bleu. « Voir du bleu en rêve signifie l’approche du malheur, de la misère, de la discorde et des catastrophes » (5). Il y a un véritable refus psychologique et culturel du bleu qui finit par jouer tout au long de l’histoire et à travers toutes les sociétés arabes un rôle de « blocage » de première importance. »
    Bouhdiba Abdelwahab. Les Arabes et la couleur. In: Cahiers de la Méditerranée, n°20-21, 1, 1980. Recherches d’ethnosociologie maghrébine. pp. 63-77; doi : 10.3406/camed.1980.914
    En ligne document PDF 
    Dans la démonologie des auteurs musulmans, les djinns (jnoune) sont de toutes les couleurs. Le djinn bleus (jenn al-azreq) est l’un des plus puissants et des plus méchants. On le redoutait particulièrement, et on évitait tout ce qui pouvait l’évoquer, notamment la couleur bleue. Le Coran utilise le mot dans le sens de «hagard» pour décrire le visage des mécréants au jour du Jugement : «Quand la trompette retentira, les criminels, devenus bleus, seront rassemblés.» (Sourate 20, v. 102). C’est pourquoi, dans l’oniromancie musulmane, devenir bleu en rêve est donc un mauvais signe : c’est signe qu’on s’est rendu coupable d’un acte immoral particulièrement grave. C’est aussi un signe d’ensorcellement ou d’envoûtement. Porter des vêtements bleus, entrer dans une maison peinte en bleu sont de mauvais présages…
    Le monde de l’étrange : La symbolique de la couleur bleue (IV)
    M A Haddadou – Publié dans Info Soir le 26 – 11 – 2008 – Cité sur le site Djazairess

    Dans le Coran les djinns sont mentionnés à plusieurs reprises :
    « Allah nous a informés que les djinns ont été créés à partir du feu, car il dit :
    « Et quant au djinn, nous l’avons auparavant créé d’un feu d’une chaleur ardente. » [Coran 15.27]
    « Et Il a créé les djinns de la flamme d’un feu sans fumée. » [Coran 55.15]
    Il est certain que la création des djinns est antérieure à celle des humains, car Allah a dit :
    « Nous créâmes l’homme d’une argile sèche, extraite d’une boue malléable et quant au djinn, Nous l’avons auparavant créé d’un feu d’une chaleur ardente. » (Coran 15.26)

    Chez les Gnawas par exemple les djinns jouent un rôle dans certains rites comme le rite de possession (« lila de derdeba ») :
    « Lors du rite de possession, les musiciens, après avoir effectué leur répertoire de divertissement (koyyou), vont jouer le répertoire sacré (mluk) où les adeptes et les danseurs vont être sujet à des phénomènes de transe.
    On distingue les mlouk de la mer (moussaouiyin) auxquels on attribue le bleu clair ; les célestiels (samaouiyin) ont pour couleur le bleu foncé ».
    Extrait de : Bernard Hell : Le tourbillon des génies : au Maroc avec les Gnawas

    Pour aller plus loin

    – Article Djinn dans l’Encyclopédie de l’Islam

    – Article « Djinn » sur Wikipedia

    – La magie en terre d’islam au moyen âge / Jean-Charles Coulon
    Paris : Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2017
    Description : 1 vol. (349 p.) : fac-sim. en coul., couv. ill. en coul. ; 22 cm
    Appartient à la collection : (CTHS Histoire ; 61)
    ISBN : 978-2-7355-0852-5 (br.) : 28 EUR. – 2-7355-0852-8
    EAN : 9782735508525
    Thèse : Texte remanié de : Thèse de doctorat : Études arabes et histoire médiévale : Paris 4 : 2013
    Annexes : Bibliogr. p. 307-328. Notes bibliogr. Glossaire. Index

    – Anges, djinns et démons dans les pratiques magiques musulmanes / Pierre Lory. in Religion et pratiques de puissance / dir. Alain de Surgy, Paris, 1997, p. 81-94.

    – Génies, anges et démons : Egypte, Babylone, Israel, Islam, peuples altaiques, Inde, Birmanie, Asie du sud- est, Tibet, Chine / [réd. par Denise Bernot, Anne- Marie Esnoul, Paul Garelli, Yveservouet,… [et al.]. Paris : Seuil , 1971
    Disponible à la Bibliothèque de l’IMA

    – Le tourbillon des génies : au Maroc avec les Gnawas / Bernard Hell.- Flammarion, 2002, 371 pages p.
    ISBN 208211581X

    – Romans sur les djinns : résultats de recherche dans le catalogue de la Bibliothèque de l’IMA

    – Sujet « djinn » catalogue de la BnF : résultats de recherche

    Cordialement,
    Eurêkoi – Bibliothèque de l’Institut du monde arabe


    2 commentaires sur “Dans la tradition arabo-musulmane, pourquoi les djinns sont-ils souvent bleus ?”

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