Accueil » Langues et littérature » Je voudrais savoir si saint Augustin parle à un moment donné dans son oeuvre de « Montus coagulatus, montus fermentatus » pour évoquer Jésus ou si c’est un fantasme fromager du divin Dali !

Je voudrais savoir si saint Augustin parle à un moment donné dans son oeuvre de « Montus coagulatus, montus fermentatus » pour évoquer Jésus ou si c’est un fantasme fromager du divin Dali !

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    tableau, Saint Augustin, Sandro Botticelli, 1480

    Saint Augustin, Sandro Botticelli, 1480[Public domain], via Wikimedia Commons

    Réponse apportée le 08/20/2014 par la BDP Saône-et-Loire et par la BSG, modifiée le 20/08/2017

    Eurêkoi Bibliothèque Sainte-Geneviève :

    J’ai trouvé une réponse à votre question, non sans difficultés, mais je pense être parvenu à réunir tous les éléments pour comprendre le « Parce que Jésus, c’est du fromage » de Dali.

    La question a été évoquée par Ronald Hilton, professeur émérite en langues romanes à l’université de Stanford, sur le site de la World Association for International Studies (WAIS).
    Cette page (https://wais.stanford.edu/Religion/religion_041122_staugustineconfessions.htm) indique que la citation de Saint-Augustin a été légèrement déformée par Fray Luis lors de la traduction. Selon Hilton, il est question de lait dans les écrits de Saint-Augustin (« that mountain flowing with milk, that fruitful mountain ») plutôt que de fromage. Il indique que ce choix est peut-être lié à la place centrale du fromage dans l’alimentation des contemporains de Fray Luis, mais ça ne reste qu’une supposition.
    J’espère que cette réponse vous apportera satisfaction.


    Eurêkoi Bibliothèque de Saône-Loire :

    Il est probable que Dali ait voulu créer un raccourci surréaliste entre Jésus et le fromage en s’inspirant d’un ouvrage qu’il possédait dans sa bibliothèque personnelle du religieux augustin espagnol Luis de Léon (1528-1591) intitulé « les noms de Jésus » (« De los nombres de Christo ») .
    Cet ouvrage est un traité sur les quatorze noms attribués au Christ dans la Bible ; à propos du nom “montagne”, Luis de Léon mentionne un commentaire de Saint-Augustin sur des écrits de Saint-Paul : « Montus coagulatus, montus fermentatus ».
    Dans l’esprit du langage imagé et symbolique du mystique espagnol ainsi que dans la tradition biblique ancrée dans la culture juive (importance des références pastorales liées à l’élevage du mouton ou de la chèvre, le lait y étant synonyme de richesse) la montagne de Dieu est une montagne d’abondance et de paix fertilisée par le ferment (la présure : coagulum en latin) de la grâce divine, plusieurs expressions bibliques évoquent cette idée :
    « mons incaseatus », « mons coagulatus », «mons pinguis »…

    Voici également un extrait d’un colloque international présenté le 2 octobre 2003 à l’Université catholique de Louvain : Jardins et naissance dans les Confessions de saint Augustin par Paul-Augustin Deproost*

    « In horto ad ortum : jardins et naissance dans les Confessions de saint Augustin » par Paul-Augustin Deproost », on y mentionne notamment le séjour de Saint Augustin dans le domaine des préalpes milanaises de son ami le grammairien Verecundus, en 386 ou 387, il y vécut une période de paix, de félicité et d’abondance qu’il compare au paradis, la montagne de Dieu.
    On trouve la mention de ce séjour dans les Confessions (IX,3,5) : « Fidelis promissor reddis Verecundo pro rure illo eius Cassiciaco, ubi ab aestu saeculi requieuimus in te, amoenitatem sempiterne uirentis paradisi tui, quoniam dimisisti ei peccata super terram in monte incaseato, monte tuo, monte uberi. » :
    « …La terre d’en bas et celle d’en haut sont, du reste, confondues dans la suite de la phrase, car Verecundus s’est vu absous de ses péchés « sur la terre dans la montagne fromagée, ta montagne, la montagne d’abondance ». La montagne en question est celle qu’habite le Seigneur dans le Psaume 67, 16, où le « mons incaseatus » est le correspondant vieux-latin du « mons coagulatus » de la Vulgate ; amenée par un jeu rhétorique avec le nom de Cassiciacum, cette citation biblique inscrit la montagne du Seigneur dans l’univers géorgique et fertile de la propriété montagneuse de Verecundus, où Augustin s’est retiré. Entendu dans cette perspective symbolique et dans le fil de la citation biblique, le « rus Cassiciacum » est le lieu du repos et de l’abondance, la « patrie de la paix » qu’observait Augustin, sans trouver le chemin qui y conduisait… »

    Voici la traduction du dictionnaire latin/français Gaffiot pour les mots :

    « caseatus » : où il y a du fromage. Fig. : gras, fertile

    « Coagulo » : coaguler, figer, épaissir un liquide « lac coagulatur in caseum » : le lait se forme en fromage.
    AUG . Psalm 75,8 : établir la paix
    « Coagulum » : présure, lait caillé. Fig. : ce qui réunit, qui rassemble

    Cordialement,
    Eurêkoi – MACON BDP Saône-et-Loire


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